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Channel: Joël Valendoff – La Revue du Cube
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Junk Food

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Au cours de l’exercice de sa profession, le médecin a de nombreuses responsabilités qui sont à la fois pénales, civiles et disciplinaires. La santé n’a pas de prix, il faut donc de sérieuses garanties pour la préserver. « Primum non nocere, deinde curare » – « D’abord ne pas nuire, ensuite soigner », telle est la première règle du médecin. Les règles de cet art, où s’entremêlent éthique et science, sont exhaustives et complexes. Pour pouvoir dormir tranquille, le praticien a fort intérêt à les connaître et les respecter. Cependant, ces responsabilités ne se réduisent pas à une simple compilation de lois ou de règles mais elles supposent aussi un certain bon sens et de l’intuition. Etablies par l’État des connaissances mais aussi des décisions politiques et sanitaires, ces règles évoluent et s’enrichissent au gré du temps. Il n’y a pas si longtemps, le médecin « goûtait » les urines de ses patients pour faire un diagnostic. Cette règle est aujourd’hui abandonnée (heureusement), mais n’en était pas moins la règle à suivre à une certaine époque.

Il y a quelques jours, j’ai enfin pu voir le film Bienvenue à Gattaca, thriller d’anticipation qui dépeint en toile de fond une dérive médicale eugéniste. Bien loin de la régulation actuelle des naissances par contrôle restrictif (Contraception Orale, IVG) ou extensif (PMA), Bienvenue à Gattaca décrit une médecine qui autorise la sélection génétique des êtres humains. La population la plus aisée s’offre une descendance élitiste, génétiquement « augmentée » presque parfaite, alors que les enfants « naturels » sont relégués à une classe inférieure discriminée et défavorisée. L’idée est terrifiante mais comment l’humain peut-il continuer d’évoluer sans atteindre de telles aberrations ?

La vérité d’hier n’est pas celle d’aujourd’hui, qui n’est pas plus celle de demain. Il en va de même de l’éthique et des responsabilités individuelles. Selon l’époque, le territoire géopolitique, la religion, chacun obéit à une morale différente. A chaque fois qu’un individu, ou une société, découvre d’autres expériences et des cultures nouvelles, il est conduit tôt ou tard à réviser ses propres valeurs. Ce qu’il faudrait apprendre dès le plus jeune âge : savoir être critique et ne pas croire que tout ce qui est établi est immuable.

Alors, agissons dès aujourd’hui de manière responsable pour l’avenir du genre humain. Chacun doit être critique du monde dans lequel il vit. Mais que pouvons-nous améliorer ? Quelle pierre pourrions-nous poser pour participer à la construction d’un monde meilleur ? Cela semble compliqué mais en y réfléchissant un peu, même si par habitude on accepte les aberrations de notre civilisation, parfois les choses sont bien plus simples qu’il n’y parait. Prenons un exemple : le surpoids est la première cause de mortalité et de morbidité dans les pays développés. Ce n’est un secret pour personne, l’industrie alimentaire est en grande partie responsable de l’obésité dans le monde. On est tous d’accord, le vrai traitement contre l’obésité serait de restreindre l’apport calorique que nous imposent les grandes firmes alimentaires et multiplier les marchés populaires de produits frais dans tous les quartiers. Je vais faire sourire ou faire grincer quelques dents, mais telle est la vérité.

Dans notre pays développé, le traitement de l’obésité est en train de changer. Mais est-ce vraiment dans le bon sens ? Dans l’arsenal thérapeutique offert au médecin pour lutter contre le surpoids, les régimes amaigrissants, dont l’efficacité est presque toujours éphémère, ont cédé la place à la chirurgie bariatrique1 de moins en moins invasive et souvent associée à la chirurgie esthétique. Bravo ! On ne dit plus ou peu « ne mangez pas ci ou ça » mais « mettons un anneau sur l’estomac ici, puis aspirons votre culotte de cheval par-là ». Pourtant, selon l’Organisation Mondiale de la Santé, l’obésité et le surpoids ont pour principales causes une plus grande consommation d’aliments très caloriques riches en graisses et une augmentation du manque d’activité physique en raison de la nature de plus en plus sédentaire de nombreuses formes de travail, de l’évolution des modes de transport et de l’urbanisation. Qui se soucie ou a entendu parler de la stratégie mondiale de l’OMS pour l’alimentation, l’exercice physique et la santé ? A vrai dire, pas grand monde. Il s’agit pourtant de mesures visant à encourager dans l’ensemble de la population des habitudes alimentaires saines et la pratique accrue d’activités physiques. Ces mesures sont tellement discrètes face au déferlement de publicités qui nous font saliver et nous poussent à la consommation débridée et sans répit d’une alimentation surnaturelle. C’est la junk food ! On peut se demander si l’origine de l’obésité dans le monde ne se retrouve pas tout simplement dans la quête des bénéfices toujours plus gargantuesques de l’industrie alimentaire. Pourtant, on l’accepte et on la subit, les régimes et la chirurgie ne sont que des palliatifs. Il faut s’alimenter avec les produits naturels qui ont été conçus dans le même moule que nous et non ceux reconditionnés et emballés dans de la cellophane industrielle. Le seul marché dont la distribution doit échapper à Internet, c’est le marché alimentaire. Il faut mettre fin aux tentations suicidaires des réclames à outrance de la grande distribution. L’homme de Cro-Magnon se nourrissait mieux que nous, il faut s’en convaincre ! Cessons l’abattage industriel des animaux, revenons à la cueillette à petite échelle et au jardinage.

Favorisez les produits frais de saison. Prenez votre vélo et allez faire votre marché ! Palpez les bons fruits de la Nature. Faîtes-vous plaisir, le choix est immense ! Avec la fin des fast food, de la junk food, au revoir les petits embonpoints, le cholestérol, l’HTA et le diabète ! Et tout ça, sans régime drastique. Voici un discours simple que chaque médecin responsable devrait tenir aux patients demandeurs de régimes alimentaires. Cessons de croire que la règle de l’art passe par le bistouri chirurgical. « Favorisez le Slow food et éliminez la malbouffe de votre frigo », vous ne vous en porterez que mieux.

Bon appétit

Joël Valendoff

 

  1. La chirurgie bariatrique est un type de chirurgie consistant à restreindre l’absorption des aliments, diminuant, de fait, l’apport calorique journalier.

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